Des vidéos pour éviter les erreurs dans les soins liées au « facteur humain »
Des professionnels de santé... et de la sécurité aérienne, réunis dans l'association « Facteurs humains en santé », publient sur Youtube des vidéos destinées à familiariser les soignants, médecins ou paramédicaux, à la culture de la sécurité. Elles leur proposent des connaissances, des techniques et des outils pour limiter la survenue des erreurs et atténuer les conséquences de celles qui peuvent toutefois survenir.
La chaîne Youtube lancée par l'association s'intitule « Les enfants du facteur », en référence au « facteur humain » qui est à l'oeuvre, sous différentes formes, dans la survenue d'erreurs.
Leur but : « répondre à un manque de culture de la sécurité » parmi les soignants, explique François Jaulin, anesthésiste réanimateur, président de l'association (et mathématicien). « Dans leur formation, poursuit-il, l'enseignement n'aborde pas le sujet de l'erreur ni du savoir-être, par exemple sur la façon de gérer les interruptions de tache, de communiquer de manière sécurisée avec les autres soignants, de gérer sa fatigue ou son stress. Nous avons acquis durant notre formation une somme importance de savoir, un peu de savoir-faire mais très peu de savoir-être. » La HAS publie pourtant des recommandations mais elles sont très peu diffusées auprès des professionnels...
Erreur n'est pas faute
Les membres de l'association, issus d'univers professionnels variés (médecins, infirmiers, pilotes d'avion, sociologues, formateurs en simulation...), se sont formés à cette culture de la sécurité et partagent leurs connaissances dans les vidéos mises en ligne régulièrement.
La chaîne Youtube diffuse auprès de toutes les personnes qui interviennent auprès des patients l'idée que les erreurs, ces écarts par rapport à ce qui est normalement attendu, ne sont pas forcément des fautes individuelles et qu'elles peuvent avoir des causes multiples. « Planter des petites graines de culture de a sécurité », résume Véronique Normier-Calhoun, infirmière anesthésiste, secrétaire de l'association (et ex-ergonome aéronautique). Les vidéos leur proposent aussi des connaissances, des outils et des techniques pour intégrer cette culture dans leur pratique.
L'IADE a par exemple publié une vidéo sur les compétences non techniques, c'est-à-dire « l'ensemble des ressources personnelles, sociales et cognitives qui complètent les connaissances techniques et permettent d'améliorer la prise en charge et la performance », définit-elle dans la vidéo.
Elle y évoque par exemple la nécessité de développer une « conscience de la situation » qui soit dynamique, de travailler la prise de décision, la clarté de la communication indispensable au travail d'équipe ou la nécessité de préciser le leadership dans certaines situations critiques. « Ce sont des compétences qui sont très précisément décrites et publiées dans la littérature, indique Véronique Normier. Ce serait très intéressant de les enseigner en formation initiale des infirmières et des infirmières spécialisées. On ne nous apprend pas à travailler entre nous ni avec les médecins. » La simulation peut aussi contribuer à la diffusion de ces compétences, ajoute-t-elle.
Compétences non techniques
D'autres vidéos portent sur la gestion des tâches répétitives, qui peuvent réduire la vigilance, sur le travail d'équipe, sur les biais cognitifs qui écartent le jugement de la rationalité de manière tout à fait inconsciente... Les connaître ne permet pas de les éviter mais de les repérer chez ses collègues... et de contribuer à éviter les erreurs qui pourraient être commises de leur fait. Une des nombreuses pépites que présentent « les enfants du facteur » et qui peuvent faire évoluer a façon dont l'erreur est perçue dans le milieu de soins.
« A l'hôpital, le culte du héros individuel et l'idée que l'erreur est une faute sont encore très présents à l'hôpital, ce qui fait que les professionnels les déclarent peu », observe Véronique Normier-Calhoun. Or cette approche ne permet pas de travailler sur les causes réelles des erreurs et sur les façons d'éviter qu'elles se reproduisent. Les patients sont les premières victimes mais les soignants restent aussi très profondément marqués par les erreurs qu'ils ont pu commettre.
« L'erreur, poursuit François Jaulin, c'est quelque chose de complètement involontaire, un écart par rapport à ce qu'on veut faire et aux attentes. » Elle peut être causée par des problèmes d'organisation, une communication inadéquate ou un environnement de travail mal adapté... Le « facteur humain », en somme. Face aux tensions dans le monde hospitalier, à la complexité croissante des soins et à la diversité des intervenants autour du patient, la culture de la sécurité peut « améliorer la qualité de notre travail et la sécurité de nos soins, estime François Jaulin. Cela redonne aussi du sens à nos métiers. »
Géraldine Langlois